Tout le monde connait La Fontaine et sa célèbre fable du corbeau et du renard, mais savez-vous qu'il existe deux fables sur nos amis les canards?Les voici:
La tortue et les deux canards
Une tortue était, à la tête légère,
Qui lasse de son trou voulut voir le pays.
Volontiers on fait cas d'une terre étrangère;
Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
Deux canards à qui la commère
Communiqua ce beau dessein
Lui dirent qu'ils avaient de quoi la satisfaire:
"Voyez-vous ce large chemin?
Nous vous voiturerons par l'air en Amérique,
Vous verrz mainte république,
Maint royaume, maint peuple, et vous profiterez
Des différentes moeurs que vous remarquerez.
Ulysse en fit autant." On ne s'attendait guère
De voir Ulysse en cette affaire.
La tortue écouta la proposition.
Marché fait, les oiseaux forgent une machine
Pour transporter la pèlerine.
Dans la gueule en travers on lui passe un bâton.
"Serrez bien, dirent-ils; gardez de lâcher prise."
Puis chaque canard prend ce bâton par un bout.
La tortue enlevée, on s'étonne partout
De voir aller en cette guise
L'animal lent et sa maison,
Justement au milieu de l'un et de l'autre oison.
"Miracle! criait-on. Venez voir dans les nues
Passer la reine des tortues.
- La reine! Vraiment oui. Je la suis en effet;
Ne vous en moquez point." Elle eût beaucoup mieux fait
De passer son chemin sans dire aucune chose:
Car lâchant le bâton en desserant les dents,
Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
Son indiscrétion de sa perte fut cause.
Imprudence, babil, et sotte vanité,
Et vaine curiosité,
Ont ensemble étroit parentage;
Ce sont enfants tous d'un lignage.
La chauve-souris, le buisson, et le canard
Le buisson, le canard, et la chauve-souris,
Voyant tous trois qu'en leur pays
Ils faisaient petite fortune,
Vont trafiquer au loin, et font bourse commune.
Ils avaient des comptoirs, des facteurs, des agents,
Non moins soigneux qu'intelligents,
Des registres exacts de mise et de recette.
Tout allait bien, quand leur emplette,
En passant par certains endroits
Remplis d'écueils, et fort étroits,
Et de trajet très difficile,
Alla tout emballée au fond des magasins
Qui du Tartare sont voisins.
Notre trio poussa maint regret inutile,
Ou plutôt, il n'en poussa point.
Le plus petit marchand est savant sur ce point;
Pour sauver son crédit, il faut cacher sa perte.
Celle que par malheur nos gens avaienyt soufferte
Ne put se réparer: le cas fut découvert.
Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource,
Prêts à porter le bonnet vert.
Aucun ne leur ouvrit sa bourse.
Et le sort principal, et les gros intérêts,
Et les sergents, et les procès,
Et les créancier à la porte,
Dès devant la pointe du jour,
N'occupaient le trio qu'à chercher maint détour
Pour contenter cette cohorte.
Le buisson accordait les passants à tiout les coups.
"Messieurs,leur disait-il, de grâce apprenez-nous
En quel lieu sont les marchandises
Que certains gouffres nous ont prises."
Le plongeon sous les eaux s'en allait les checher.
L'oiseau chauve-souris n'osait plus approcher
Pendant le jour nulle demeure:
Suivi de sergents à toiute heure,
En des trous il s'aéllait cacher.
Je connais maint detteur, qui n'est ni chauve-souris,
Ni buisson, ni canard, ni dans tel cas tombé,
Mais simple grand seigneur, qui tous les jours se sauve
PAr un escalier dérobé.